Interview de Pierre Tardy, co-fondateur d’Outwork : “Nous avons conçu une nouvelle expérience de travail à la campagne”

Pierre Tardy portrait coworking à la campagne
Pierre Tardy – ©Outwork

Faire du coworking à la campagne, voilà une possibilité qui aurait plu à bien des salariés pendant les épisodes de confinement. Pierre Tardy en a fait lui-même l’expérience et a voulu rendre ce rêve possible. Mais sous une autre forme. Nous sommes allés l’interviewer pour découvrir son concept appelé Outwork. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est parvenu à nous surprendre. Pourquoi ? Tout simplement, car le modèle qu’il a imaginé change du coworking traditionnel, renouvelle le genre et prend en compte les enjeux et besoins actuels des entreprises et des salariés. De quoi donner à bien des entreprises l’envie d’adopter ce qu’il appelle le “deuxième bureau”, mais, surtout, de faire évoluer l’organisation du travail et des bureaux. Partons ensemble à la découverte de cette “expérience de travail”. 

Une expérience de travail à la campagne basée sur une expérience de vie

Un projet qui commence dans les forêts américaines

Pendant le confinement, le rêve de la plupart des habitants des grandes villes était de pouvoir travailler à la campagne, loin des rues désertées et du stress du quotidien. Depuis, le monde du travail a profondément évolué. De nouveaux besoins sont apparus côté salariés et de nouveaux modes de travail se sont développés : full remote, travail hybride, flex office… Le bien-être au travail apparaît également comme une vraie priorité actuelle des entreprises pour favoriser l’engagement et la rétention des talents. 

C’est fort de ces constats et de ses expériences de vie que Pierre Tardy nous dévoile les dessous du  projet. Celui-ci démarre aux États-Unis, au nord de Boston, alors qu’il était encore tout petit. 

Je vivais alors dans un cadre magnifique, entouré de grandes forêts de pins et d’une nature préservée. J’y ai vécu de superbes expériences grâce à un bon encadrement. Je savais qu’un jour j’aurais envie de revenir à ces racines. L’idée a ensuite mûri, des années plus tard, en France”. 

Le télétravail entre enthousiasme et désenchantement

La réflexion se poursuit alors qu’il expérimente lui-même le télétravail avant le Covid en tant que manager dans une start-up de l’Edtech. 

L’entreprise dans laquelle je travaillais organisait pas mal de working holidays, donc j’avais la possibilité de travailler une ou deux semaines à l’étranger avant de rester trois ou quatre semaines en vacances dans le pays. À cette époque, je trouvais le télétravail génial, mais, j’en percevais déjà les limites en termes de communication, de cohésion d’équipe…” 

Le deuxième confinement viendra confirmer ses ressentis avec le développement de nouvelles façons de travailler. 

En novembre/décembre, tout le monde finissait par en avoir marre d’être chez soi, de ne voir personne. Nous perdions alors le sens de ce pour quoi l’on travaillait. Le déclic s’est fait à ce moment-là. Pour moi, entre le bureau traditionnel et le domicile, il manquait un troisième lieu où l’on pouvait retrouver ses collègues pour vivre un vrai moment de qualité, une nouvelle expérience de travail.”

Pierre Tardy et son expérimentation du coworking à la campagne : vers une nouvelle expérience de travail

Le projet est lancé, mais, pour réellement élaborer le concept et le valider, Pierre Tardy choisit de l’expérimenter en l’associant à l’idée de séjour. 

J’ai choisi des lieux facilement accessibles en train pour tester le concept avec mes amis et leurs propres réseaux amicaux. J’ai pu alors me rendre compte de ce qui fonctionnait ou pas : le type de nourriture, de couchage, d’activités, de lieux, les capacités d’accueil… Nous avons eu une première exposition médiatique qui nous a fait connaître et, grâce à laquelle, le premier lieu Outwork a pu ouvrir ses portes.”

Pour ce faire, les équipes Outwork ont dû travailler leur offre, trouver des locaux, des partenaires et ont interrogé plus de 50 professionnels des ressources humaines. Pourquoi ? Parce que leur ambition était, avant tout, d’œuvrer pour faire évoluer le monde du travail et de proposer des solutions et des alternatives en phase avec les enjeux actuels. 

Outwork : le concept du “deuxième bureau” ou le coworking à la campagne repensé

Lorsque l’on nous avons eu envie d’écrire sur le concept de coworking à la campagne, nous imaginions immédiatement des bureaux nichés dans un environnement naturel. Jusqu’ici nous avions tout bon. Nous pensions ensuite que le public était composé de coworkers locaux ou de passage, comme en ville finalement. Si ce concept existe, ce n’est pas celui d’Outwork. 

Outwork : une expérience avant d’être un coworking à la campagne 

Pierre Tardy et Marion Roullet lors d'un coworking à la campagne
Pierre Tardy et son associée Marion Roullet ©Outwork

Outwork ce n’est pas un lieu, c’est une expérience. C’est ce que nous comprenons très vite au cours de notre interview avec Pierre Tardy. Une expérience que l’on peut retrouver dans différents lieux aujourd’hui à proximité de Paris. 

Notre concept est un mix entre coworking, coliving et maison d’hôtes. C’est de cette façon que nous nous décrivons. Avec une dimension expérientielle très forte. Ce que nous voulons avant tout, c’est créer une expérience de travail la plus qualitative possible. Nous proposons un nouveau modèle avec une dynamique workplace très forte. Celle-ci est essentielle à l’heure où le bureau est continuellement challengé.”

OK, mais, alors, Outwork qu’est-ce que c’est finalement ? 

Le modèle du “deuxième bureau” 

Outwork est une offre dédiée aux entreprises. Elle leur permet de venir travailler à la campagne de façon récurrente dans l’année, le plus souvent entre 48 et 72h. Le but ? Recréer du lien entre les collègues d’une même entreprise grâce à des conditions de travail optimales et à un lieu permettant de se ressourcer. 

Nous nous appuyons sur le slow work, le slow life. Pour nous aujourd’hui, il doit y avoir un avant et un après Outwork. C’est la raison pour laquelle nous nous positionnons sur des séjours courts permettant de réunir, mais surtout, de reconnecter des équipes de 10 à 40 personnes. À l’heure où le digital est vraiment présent partout, pour nous, c’était le format idéal.

Outwork vient, non pas remplacer le bureau habituel, mais le complémenter en l’agrémentant d’une expérience de travail impactante. C’est en cela que nous parlons de deuxième bureau.

Qu’est-ce que l’expérience Outwork ?  

Plus concrètement : “Les salariés arrivent le matin et ils sont accueillis par les “complices” outwork (les hôtes sur place). Ces derniers leur font découvrir le lieu, l’environnement naturel. Notre but est qu’ils appuient sur le bouton pause au moment où nous leur disons “Bienvenue, vous êtes chez vous !”.” 

Chaque après-midi a une finalité différente : l’un sera consacré au travail, un autre sera dédié à un atelier de développement personnel ou de co-développement et le dernier sera davantage un workshop collectif. Tout cela, bien entendu, rythmé par des pauses et des discussions autour d’un repas, de collations, de la machine à café, de petits-déjeuners gourmands… Viennent ensuite la petite balade en forêt, la dégustation de produits locaux, des ateliers yoga, du footing au gré des envies… Un gros travail est réalisé sur le bien-être des salariés et sur l’aspect développement personnel.” 

Nous, à la rédaction, cela nous a un peu rappelé nos séminaires d’entreprise. Mais Pierre Tardy nous a vite détrompés :  

Nous ne sommes pas un énième team-building : les gens ne viennent pas chez nous pour faire une grosse soirée et repartir le lendemain. Ce n’est pas l’ADN de notre projet. Notre équipe entière accompagne et prend par la main le manager ou chef d’équipe pour qu’il puisse faire vivre à ses collaborateurs une autre expérience du travail. Nous nous inscrivons également dans une récurrence qui participe à la politique RH de l’entreprise et à l’organisation du travail. C’est notre objectif : que les entreprises puissent réellement intégrer ce modèle pour en faire un atout au service du bien-être de leurs salariés.

Une équipe chez Outwork à la campagne
©Outwork

Vous l’avez compris : le concept repose sur des valeurs fortes. Mais, alors, qu’en est-il des enjeux actuels en matière d’environnement ? En effet, les espaces de travail classiques sont actuellement de gros consommateurs d’énergie. Comment peuvent-ils se conformer aux exigences et challenges d’aujourd’hui ? En ont-ils les moyens ? Nous avons posé la question à Pierre Tardy. 

Le travail à la campagne façon Outwork : des valeurs avant tout 

Ne nous y trompons pas, tout cela a un coût et les coworking n’ont pas tous aujourd’hui les moyens suffisants pour s’appuyer sur des circuits courts, des prestataires locaux… Et pourtant, un investissement sur ces domaines est le seul moyen actuellement de limiter son impact. 

Lorsque nous avons testé le modèle Outwork, nous nous sommes vite aperçus que la proximité avec les transports était un facteur clé. Notre public est, de fait, majoritairement composé de Parisiens ou de personnes qui vivent dans de grandes villes. Ce sont eux qui ont besoin de cette parenthèse pour se retrouver. 

La dimension impact carbone liée à notre concept est forte et va même au-delà. Elle est implicite dans tout ce que nous faisons et proposons aujourd’hui. Nous nous appuyons, par exemple, sur un terroir avec des produits locaux et de saison. Notre modèle a été pensé en France afin de limiter l’impact des séminaires d’entreprise à l’étranger où chacun prend l’avion. Nous nous attachons aussi beaucoup à l’aspect rénovation des gîtes avec lesquels nous travaillons. C’est quelque chose qui nous tient à cœur, même si ce sont de gros investissements financiers.”

Le coworking à la campagne : quel avenir selon Pierre Tardy ? 

Le coworking à la campagne : une vraie tendance ou un concept encore marginal ?

Avant d’interviewer Pierre Tardy, nous avons lu de nombreux articles évoquant le fait que le coworking à la campagne était en plein essor. Même si nous croyons très fort en ce modèle, nous savons aussi qu’un coworking a besoin de nombreux adhérents pour atteindre son point de rentabilité. En zone rurale, aujourd’hui, il est difficile de compter uniquement sur les indépendants et travailleurs du digital. Ces derniers commencent, certes, à rejoindre les campagnes avec une accélération depuis la pandémie. Difficile toutefois de bâtir tout un modèle économique sur ces simples faits qui sont très fluctuants et disparates.

Nous avons demandé son point de vue à Pierre Tardy et celui-ci partage notre avis : 

Le modèle du coworking à la campagne reste encore marginal. Mais, pour moi, il va sans doute y avoir un développement près des gares ferroviaires, dans les centres de plus petites villes… C’est une bonne chose. Par contre, dans les campagnes plus lointaines, cela risque de prendre du temps. Les gens ne sont pas prêts à faire 30 km pour aller bosser. C’est aussi pour cette raison que nous avons voulu une proximité avec les gares et que nous l’avons couplée avec l’aspect nuitée. Toutefois, certains semblent avoir trouvé un modèle économique rentable sans avoir recours à ces derniers.” Et le concept de “deuxième bureau” à la campagne dans tout ça

Le modèle de deuxième bureau à la campagne a-t-il de l’avenir ?

Je pense que le modèle de “deuxième bureau” a de l’avenir, oui. Tout d’abord parce que les entreprises se posent actuellement des questions sur les loyers des bureaux. Faut-il payer un bureau pour tout le monde ? Ou faut-il ne payer que pour un certain nombre de postes et investir le reste dans des lieux où l’on peut se retrouver régulièrement dans l’année ?”

Mais le deuxième bureau présente aussi un intérêt pour les personnes en remote que l’entreprise souhaite voir revenir au bureau. Le retour, dans ce cas, n’est pas toujours simple. La solution serait, alors, de leur proposer une expérience de travail qualitative plusieurs fois par an pour leur donner une vraie raison de revenir. Cette notion de deuxième bureau va donc continuer à se développer. Ce ne sera pas une révolution, mais progressivement les mentalités vont évoluer.

En revanche, le deuxième bureau doit rester secondaire et intervenir en complémentarité du bureau principal et du télétravail. Ces derniers ont montré chacun leurs atouts. Tout comme Outwork qui permet un vrai moment de partage et de convivialité.” 

Et le futur du monde du travail : comment le perçoit Pierre Tardy ?

“Pour moi, le modèle de travail hybride représente l’avenir”

Tout au long de notre interview, il apparaît évident que Pierre Tardy et son équipe, grâce à leur concept, veulent faire bouger les choses. Mais, alors, comment perçoit-il le futur du monde du travail ? 

Post-Covid, il y a un besoin aujourd’hui de se reconnecter, c’est indéniable. Les gens ont besoin de se retrouver, de ressentir l’aspect humain. Pour moi, le futur du travail n’est donc pas dans le full remote que nous sommes en train de challenger à l’heure actuelle. Les entreprises demandent d’ailleurs de plus en plus à leurs salariés de revenir. Pas complètement, mais partiellement. Nous sommes en train de nous rappeler que nous sommes des êtres humains et qu’il faut qu’on se voie, qu’on se sente, qu’on rigole ensemble, qu’on mange ensemble… Et, ça, dans une entreprise c’est la clé. 

Nous le savions déjà, mais nous l’avions peut-être un petit peu oublié. La tendance n’est pas de revenir en arrière, car trop de choses ont été actées pendant le confinement. Mais, finalement, la dimension distancielle n’ira sans doute pas aussi loin que nous aurions pu le penser.

Pour moi, le modèle de travail hybride représente l’avenir. Au-delà du télétravail, il est question d’agilité, de flexibilité… Le télétravail a entraîné beaucoup de nouveautés, mais il est important, désormais, de repenser l’équipe et de poser la question de comment nous pouvons maintenant nous retrouver ? L’entreprise doit maximiser ces temps passés ensemble, capitaliser sur eux.

“Le lien humain est vraiment le nerf de la guerre”

Nous sommes dans un contexte complexe pour beaucoup d’entreprises. Il est donc important de garder en tête l’importance de la culture d’entreprise. Le lien humain est vraiment le nerf de la guerre. Sans ces aspects, l’entreprise perd tout son sens. Alors, trouvons des initiatives locales, moins énergivores, à plus faible impact et qui favorisent la cohésion d’équipe. Le retour sur investissement n’est peut-être pas évident de prime abord, mais l’engagement des collaborateurs sera énorme. Et c’est ce qui vaut de l’or. Donc ne lâchez pas ces budgets ! Économisez sur l’avion ou sur des budgets moins prioritaires, parce que c’est ce qui fera que les gens auront envie de se lever le matin et de venir travailler ensemble.

Je ne sais pas vous, mais, nous, à la rédaction, nous avons bien aimé sa vision qui va au-delà de notre sujet d’origine : le coworking à la campagne. Dans nos bureaux, nous cherchons, nous aussi, à faire avancer le monde du travail. Vous êtes à la recherche d’un endroit où poser votre laptop ? N’hésitez pas à jeter un œil sur notre plateforme et à nous contacter. 

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