Décrypter l’univers de la levée de fonds et le fonctionnement du Venture Capital

Augustin Sayer, Seed VC – Partner chez Newfund répond à nos questions

Hub-Grade : Est-ce que tu peux te présenter ? Et nous présenter Newfund ?

Augustin Sayer : “Newfund est un fonds franco-américain axé sur l’investissement en seed, principalement entre 500 000€ et 3M€. Nous sommes “sector agnostic”, donc pas de secteur d’investissement phare, tant qu’il y a une part de digital. Notre vision est de promouvoir une thèse offensive, on pousse les boîtes à s’internationaliser le plus rapidement possible car on est convaincus que c’est une des grandes clés de succès. On parle beaucoup des licornes françaises, mais toutes nos licornes qui sont en capacité d’apporter de la liquidité à leurs actionnaires sont parties aux USA et ont gardé généralement uniquement la partie tech en France.

Portrait  d'Augustin Sayer - VC Partner chez Newfund

Pour me présenter, je suis Augustin Sayer, Partner chez Newfund depuis 5 ans maintenant. Avant ça j’étais entrepreneur au Mexique et investisseur en Private Equity aux États-Unis. J’ai passé une grande partie de ma vie aux USA, même si je suis né en France et j’y suis revenu très récemment.

Cette expérience en tant qu’entrepreneur a été très importante pour moi aujourd’hui car j’ai de l’empathie pour les entrepreneurs avec qui je travaille, j’arrive à mieux les comprendre et aussi à mieux évaluer leurs projets et leur discours.” 

Hub-Grade : Comment fonctionne un fonds d’investissement ?

Augustin : “Le fonds d’investissement n’est pas riche ! Il doit lui-même lever de l’argent auprès de business angels, d’institutionnels, de corpos dans un premier temps pour pouvoir l’investir. À la différence d’une startup, le fonds facture un pourcentage de sa levée pour payer les frais fixes et variables de la structure (loyer, frais d’avocats, coûts réglementaires et salaires des investisseurs). Le CA des fonds de venture est donc assez difficile à faire évoluer. Pour simplifier la démarche, un fonds de venture lève de l’argent, l’investit dans des projets en faisant la promesse de rendre le double par exemple, dans les 10 prochaines années.”

Hub-Grade : Tu es assez actif sur LinkedIn pour aider les entrepreneurs à décrypter le métier de VC. C’est quoi la plus grosse “misconception” autour de ton métier ? 

Augustin : La plus grande idée reçue sur le monde de la Venture Capital est de penser que le fait de monter une boîte rend cette dernière “VC compatible. Beaucoup d’entrepreneurs pensent qu’ils peuvent lever de l’argent auprès de VC car ils ont une bonne idée mais ce n’est pas vrai. Une idée reçue, aussi, existe sur le périmètre d’investissement des fonds : un VC n’investit que s’il y a un très grand potentiel et qu’il peut multiplier, théoriquement, par cent son investissement d’origine. Initialement, un VC investit dans des technologies disruptives qui vont transformer un marché, voire en créer un nouveau car seules ce type de promesse peut atteindre cet objectif de retour x 100.”

Hub-Grade : La participation que tu as pris dont tu es le plus fier ? 

Augustin : “Je suis végétarien depuis 6 ans car je suis convaincu que c’est meilleur pour la santé, pour les animaux et pour la planète. Néanmoins, ayant grandi sur un régime omnivore, je cherchais des substituts à la viande mais avec cette composante technologique qui peut nous permettre de combiner retours de Seed et une mission à impact… En 2021 j’ai finalement rencontré un entrepreneur, végétarien aussi, mais surtout avec une vraie mission environnementale. Ils se sont mis en tête de créer une techno qui recrée la texture des viandes et poissons à base de graines. J’ai testé leur produit et j’ai été totalement bluffé. Les entrepreneurs étaient inspirants, je trouvais leur techno disruptive et j’ai été le seul fonds à investir. L’année d’après, ils ont réussi à lever 30M€ et j’en suis fier car ce problème m’est cher personnellement.”

Hub-Grade : La boîte que tu regrettes d’avoir laissée passer ?  

Augustin : “J’ai de la chance, mon anti-portfolio comme on l’appelle n’est encore pas très rempli, rien dont je doive me mordre les doigts aujourd’hui. Il y avait un fondateur avec qui je discutais, le projet me parlait bien mais j’avais des doutes sur l’entrepreneur en tant que tel. J’ai passé plusieurs calls de vérification qui étaient mauvais, je n’ai pas voulu prendre le risque et je l’ai appelé pour lui dire que je ne m’engagerai pas pour son projet. Finalement il a réussi à lever 50M€ après plusieurs tours.

Hub-Grade : Comment estimer un “risk-reward” satisfaisant pour décider d’investir dans une entreprise ?

Augustin : “C’est simple, je me pose la question “Est-ce que la boîte peut valoir 1 Md€ un jour ?” Si je pense que la réponse est oui, alors j’y vais, sinon je n’y vais pas. Mon intérêt en tant que VC c’est de pouvoir faire x 100 sur mon investissement.”

Hub-Grade : Selon toi quel est le rôle d’un VC dans les challenges environnementaux qui nous attendent dans les prochaines décennies ? 

Augustin : “Ça dépend de l’investisseur. À titre personnel, si j’ai deux dossiers équivalents à traiter, j’ai plus envie de partir dans celui qui a la meilleure composante écologique, parce que c’est plus important globalement et que personnellement ça m’importe plus. Il faut savoir que le FEI (Fonds Européen d’Investissement) impose un mandat environnemental aux fonds s’ils veulent récupérer leur argent. L’existence des articles 8 et 9 du règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) pousse les fonds à mettre les ESG au cœur des investissements. Je pense que les fonds ont vocation à être un moteur sur ces sujets-là.”

Petit enfant qui doit monter un très grand escalier
©Jukan tateisi via Unsplash

Hub-Grade : Si tu devais donner un conseil à un entrepreneur qui veut lever des fonds ? 

Augustin : “Parler à un maximum d’entrepreneurs qui ont levé de l’argent et à ceux qui n’ont pas réussi. Faire une levée de fonds c’est un saut un peu fou, où tu es ultra confiant mais ce n’est pas toujours facile d’être à l’écoute quand tu sautes dans l’entrepreneuriat… Et c’est une erreur car à mon avis il faut maximiser le feedback. Ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui arrivent à intégrer les conseils, pourquoi pas passer par des accélérateurs et incubateurs même. Mais, vraiment, le plus important c’est d’écouter et d’intégrer les feedbacks.

L’autre conseil que je donnerais c’est de ne pas lâcher des pourcentages du capital trop tôt sans avoir encore réussi à lever de l’argent. Il ne faut rien lâcher du capital avant d’avoir levé quoique ce soit :  les fonds en seed ne veulent pas parler à des entrepreneurs qui ont moins de 90% du capital ! D’ailleurs, statistiquement, plus le capital d’un entrepreneur est dilué, plus il y a de chances qu’il abandonne face aux difficultés.”

Ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui arrivent à intégrer les conseils, pourquoi pas passer par des accélérateurs et incubateurs même. Mais, vraiment, le plus important c’est d’écouter et d’intégrer les feedbacks.

Hub-Grade : Combien de temps dure la phase d’étude avant de rentrer dans une boîte ? 

Augustin : “Je dirais que ça peut durer entre 1 et 4 mois. Un mois si le dossier est hyper qualitatif et que tout est clair, et plutôt quatre mois si le dossier n’est pas très bien ficelé.”

Hub-Grade : À titre perso, qu’est-ce que tu cherches à identifier chez l’entrepreneur / la startup ? 

Augustin : “On en parlait déjà un peu plus tôt mais déjà, il est missionné, au-delà de l’aspect financier il porte une vraie volonté, quelque chose à accomplir. Évidemment, je cherche à savoir s’il est bosseur. Être entrepreneur et vouloir lever des fonds, ce n’est pas un job de 9h à 17h. Ce n’est pas qu’une question de quantité de travail évidemment, surtout de qualité, mais il ne faut pas se leurrer, si tu veux lever des fonds il faut être prêt à travailler beaucoup, même le week-end. Ça ne convient pas à tout le monde mais c’est ce qu’il faut faire pour y arriver. C’est pour ça, qu’intuitivement, les fonds favorisent les plus jeunes, qui ont l’énergie pour faire ces efforts même si c’est un biais car au final, les plus gros succès sont réalisés par des entrepreneurs de 35 ans dont c’est la 2ᵉ boîte. Enfin, la dernière qualité que je recherche, c’est un entrepreneur obstiné, qui ne va pas abandonner face aux difficultés, mais qui sera surtout à l’écoute des conseils.”

homme qui pointe du doigt
©Slim Emcee via Unspash

Hub-Grade : Quel rôle joues-tu une fois entré au capital des entreprises ?

Augustin : “On en parlait au tout début mais Newfund est un fonds de seed : notre objectif est d’accompagner la startup jusqu’à sa levée en Série A. On doit l’aider à trouver son produit, qui se vend et qui est facilement duplicable. Comment on l’aide ? Ça dépend des fonds d’investissement. Certains font des boards, certains prennent part aux décisions strats, etc. Newfund prend le parti de ne pas se mêler des décisions stratégiques des boîtes, mais on reste néanmoins présents ! J’échange en moyenne 1 à 10 fois par mois avec les entrepreneurs, directement via WhatsApp à la moindre question. Je pense qu’échanger avec les startups représente environ 20% de mon temps, que ce soit de la stratégie, de la mise en relation et ou qu’il s’agisse de préparer l’aide pour les prochaines levées.

Enfin, pour faciliter l’accès des startups à la Série A, le fonds de seed va remettre de l’argent sur la prochaine levée de fonds que la startup veut réaliser, contrairement à un business angel. Par exemple, si une startup souhaite lever 10 M€, le fonds de seed va déjà mettre 2 M€. Il n’en restera plus que 8 à trouver, et avec le soutien de leur fonds historique, les négociations seront plus simples et la levée aura plus de chances de bien se réaliser.”

Hub-Grade : Que faire si le projet dans lequel tu as investi ne se développe pas comme prévu ?

Augustin : “On le sait vite, au bout de 6 mois environ. Si c’est le cas, on arrête de mettre de l’argent dans la boîte. On ne l’abandonne pas mais on lui dit de rapidement viser la profitabilité et au final soit la boîte survit, soit elle meurt.

L’argent qu’on a investi n’est pas perdu, car l’investissement se fait sur un système de préférence. Sur l’argent qui doit être redistribué, les fonds sont généralement les premiers à récupérer leur mise.”

Hub-Grade : Quel secteur d’activité t’intéresse le plus en ce moment ?

Augustin : “Tout bouge super vite donc c’est un peu compliqué, mais à titre personnel je suis très intéressé par le secteur de la DeepTech, là où la technologie est au cœur du produit. Si jamais la boîte n’arrive pas à vendre son produit, la technologie en elle-même a de la valeur et il y a quelque chose à faire avec.”

Hub-Grade : Si tu devais remonter une boîte : bootstrap ou levée de fonds ? 

Augustin : “Je pense que cette question résume super bien cette interview, je répondrais : ça dépend de l’idée que j’ai.

Si je pense que mon idée ne va pas changer le monde, qu’elle a du potentiel mais qu’elle ne sera pas hautement disruptive, alors le bootstrap est une bonne voie.

À l’inverse, si je pense que ma nouvelle technologie a une capacité de disruption extrêmement forte, que ça peut être « game changer » pour son marché, voire même créer un nouveau marché, alors c’est intéressant, voire obligatoire d’aller faire de la levée de fonds afin de développer mon idée et de créer mon marché avant quelqu’un d’autre.

Pour terminer, je dirais que les fonds de venture sont un formidable outil pour moderniser la société, mais qu’il y a surtout eu un manque d’éducation de la part des fonds eux-mêmes, pour expliquer ce qu’ils financent vraiment. »

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