“On est clairement sur la tendance du bureau “comme à la maison”.
“Doté de la fibre décorative”, voici un attribut qui convient parfaitement à notre invité du jour : Romain Fusaro, fondateur de l’entreprise Kollori.
Kollori est une start-up parisienne spécialisée dans la décoration et l’aménagement de bureaux. Conseils, tendances, astuces… On pourrait presque remonter une émission inspirée de D&CO, spéciale bureaux, avec toutes les idées et tendances déco ! #ValérieDamidot
Romain nous oriente aujourd’hui sur les dernières pratiques et tendances décoratives pour les bureaux.
HUB-GRADE – Bonjour Romain ! Tout d’abord, merci de te prêter au jeu de notre interview. Nous allons parler de la décoration de bureau ! Et qui de mieux placé que Kollori pour nous répondre ?
Peux-tu nous en dire plus sur toi et Kollori ?
Romain – Bonjour Hub-Grade !
Alors, pour ma part, j’ai créé Kollori dès la fin de mes études à Paris. J’avais réalisé ma dernière année en alternance chez Microsoft… Et c’est là-bas (ndlr : leurs locaux sont à Issy-les-Moulineaux) que je me suis rendu compte de l’opportunité marché sur laquelle Kollori s’est lancée.
Leurs bureaux étaient bien décorés, bien aménagés et très représentatifs de leur culture d’entreprise et de leurs valeurs. À l’époque, c’était déjà une pratique très répandue aux États-Unis, mais pas en France. C’est donc à partir de ce potentiel marché que j’ai démarré notre activité.
Kollori est une start-up qui existe depuis 5 ans. Dans un premier temps, nous étions spécialisés dans la décoration de bureaux pour les start-ups et les entreprises du numérique. Puis finalement, nous nous sommes réorientés vers l’aménagement de bureaux pour tout type d’entreprises. Ceci nous amène aujourd’hui à repenser les bureaux de A à Z et à les personnaliser selon chaque marque.
La valeur ajoutée de Kollori réside dans notre offre : nous proposons un nouveau service créatif, par lequel nous donnons des conseils et distribuons des produits. Cela permet aux entreprises de créer et décorer elles-même leurs bureaux (dans un esprit DIY – Do It Yourself).
Aujourd’hui, nos clients ont souvent des bureaux sobres et classiques, alors que leur activité est souvent fun et dynamique. Il y a bien une différence entre leur identité et ce l’image qu’ils veulent refléter. Kollori participe à unifier ces deux dimensions et créé ainsi l’espace de travail idéal.
HUB-GRADE – Comment se traduit la prise en compte du bien-être des salariés dans les espaces de bureau de 2018 ? En termes d’acoustique, d’aménagement, de mobilier, d’utilisation de matières naturelles, ou de gestion de la luminosité ?
L’acoustique
En ce moment, l’acoustique est un domaine où on a beaucoup de demandes. On nous appelle très régulièrement, notamment pour la gestion du son dans les open spaces.
On connait un peu le fonctionnement dans ce type d’espace : c’est très dur d’y travailler à partir de 10 personnes. Le bruit de fond ininterrompu peut causer des problèmes de concentration, il est difficile d’y communiquer… Du moins, travailler sans avoir d’écouteurs est très difficile en open space.
Parmi les moyens qui marchent le mieux, on a par exemple :
- des panneaux acoustiques,
- les phonebox / des cabines hermétiques pour passer des appels sans déranger,
- des coins de réunion informels, pour travailler efficacement en groupe restreint…
Le petit coin détente
Un autre type d’espace est très demandé : le coin détente ! C’est un espace hybride, modulaire et multifonction…
Il a beaucoup changé, parce qu’auparavant, l’espace détente ne se résumait qu’à la cafétéria. Aujourd’hui, il englobe d’autres dimensions et répond à d’autres besoins. Par exemple, se reposer un peu, se sentir bien au travail et se détendre…
Quoi de mieux, pendant une journée éreintante, qu’une petite pause de quelques minutes sur un pouf ? Une partie de ping-pong ou un baby-foot à midi, ou même un canapé avec une TV et une console de jeux ? Ou simplement encore un petit coin cocooning… La liste est longue !
Ce genre d’espace contribue bien à l’amélioration de la QVT.
HUB-GRADE – Récemment Hub-Grade a fait une étude sur l’Office Branding, on a vu à quel point celui-ci pouvait inciter l’attachement à son entreprise… Aurais-tu de bons exemples d’office branding en 2017 ?
Un des exemples les plus frappants qui me vient en tête est celui de chez Coca-Cola ! Ils ont utilisé tous les aspects de leur marque et de leurs produits pour leurs bureaux. Par exemple, ils ont créé un plafond suspendu, fait de bouteilles de Coca-Cola. Ils ont décoré avec des tableaux et des graffitis reprenant les codes de l’entreprise…
C’était un ensemble de petites touches artistiques qui rendaient bien et étaient vraiment plaisantes à observer.
Amazon Web Services le pratique aussi très bien.
Je dirais que pour un Office Branding réussi, il faut concevoir l’aménagement pour que tous se sentent comme immergés dans l’univers de la marque.
Pour moi, un petit logo affiché ou simplement peindre les murs de la couleur de l’entreprise, ce n’est pas de l’Office Branding. C’est une démarche bien plus aboutie, qui permet la diffusion des valeurs de l’entreprise projetées tant à l’intérieur que sur l’extérieur.
HUB-GRADE – Quelles sont les dernières tendances en matières d’aménagement de l’espace ? Est-ce la fin annoncée du bureau individuel ?
La fin du bureau individuel ?
C’est simple : on ne voit quasiment plus de bureau individuel. On ne nous en demande plus. Très souvent, les dirigeants sont en collaboration avec leurs salariés, notamment quand ils sont dans l’open space. On constate ainsi de plus en plus de proximité entre les équipes et les dirigeants.
Le bureau comme à la maison
Aujourd’hui, on est clairement sur la tendance du bureau “comme à la maison”. On ne veut plus de bureaux classiques. La demande préfère des bureaux fun, bien décorés, bien agencés et dans lesquels on se sent bien pour travailler. Il faut que l’ambiance globale soit plus qu’agréable? Ainsi, les standards se rapprochent de plus en plus des exigences de nos espaces domestiques. Et cette demande nous vient aussi bien des très grandes entreprises que des petites.
Au début de l’aventure Kollori, on nous demandait beaucoup des bureaux aménagés dans l’esprit Google… Par exemple, des grands et des petits espaces à la disposition innovante… Mais aujourd’hui, on nous demande des bureaux comme ceux d’Airbnb. Donc typiquement un esprit “home sweet home”.
Le corpoworking
Actuellement, il existe aussi la tendance du corpoworking. C’est un terme un peu “bâtard”, pour définir les grands groupes qui créent des espaces de travail au rez-de-chaussée de leur bâtiment. Ces espaces sont faits notamment pour leurs salariés locaux/internationaux ou leurs partenaires.
Un bon exemple serait l’espace de corpoworking d’Adidas, dans leurs locaux de 3000m² du 9e arrondissement de Paris. C’est à la fois un showroom, mais aussi un espace de travail pour leurs collaborateurs (notamment Adidas et Reebok).
De la cuisine à la cafétéria, en passant par les lieux de détente et de travail, tout retranscrit les codes de la marque.
Aujourd’hui, ce type d’espace est de plus en plus demandé par les grandes entreprises.
Les espaces informels
Qu’il s’agisse du brief matinal, du point rapide ou de la réunion, on nous demande de moins en moins de grandes salles de réunion.
En clair, aujourd’hui on veut plus d’informel, de proximité et de collaboratif entre les équipes. Pour cela, on nous demande des petits coins de réunions.
HUB-GRADE – Comment envisages-tu le Bureau du futur ? Comment s’insérera-t-il dans l’espace urbain ? Y aura-t-il encore une frontière entre espaces de travail et espaces privés ?
Voici ce qui se dessine en ce moment…
On assiste à une émancipation du remote work : les salariés travaillent à distance et se détachent progressivement de leur bureau en entreprise. (ndlr. ex : Ses employés ne viennent plus au bureau : WordPress ferme ses bureaux).
Les entreprises n’ont presque plus besoin du siège social.
Elles recherchent donc de plus en plus à s’installer à des points centraux, dans les grandes villes, en guise de flagship (agl. vaisseau amiral, en marketing : porte-drapeau, vitrine). Un peu comme l’exemple d’Adidas.
Ces espaces auront plusieurs rôles : servir de point de rencontre et de vitrine pour promouvoir la marque pour le grand public et les partenaires.
Le nomadisme vers lequel on tend rend obsolète le fait d’avoir des espaces de bureaux fixes, décentralisés et optimisés en termes de coûts. Plusieurs raisons sont en cause :
- les générations Y et Z n’ont clairement plus envie d’avoir un bureau et cherchent à travailler à distance ;
- on passe de moins en moins de temps physiquement sur son lieu de travail ;
- les tiers-lieux qui se développent offrent de nouvelles propositions qui attirent.
HUB-GRADE – Quels efforts sont faits pour élaborer le bureau écologique ? (réduire les déchets, réduire les consommations énergétiques, utiliser des matériaux raisonnés)
Beaucoup de choses sont faites dans le tri et le recyclage des papiers et des déchets. Chez nous, on évolue de plus en plus vers un modèle “zéro papier”, le principe est appliqué au bureau également : on y trouve aujourd’hui moins de poubelles individuelles et tout le monde participe au tri.
On propose également du mobilier d’occasion aux start-ups par exemple.
Celles-ci sont en phase de lancement de leur activité et ont souvent besoin de mobiliers hors de leur budget… À l’inverse, les grands groupes renouvellent très souvent leur mobilier et peuvent choisir de le céder aux plus offrants au lieu de s’en débarrasser. Généralement, ce sont des équipements de bonne qualité. Donc pour une start-up, il est intéressant de démarrer avec un mobilier d’occasion, histoire de leur donner une seconde vie.
L’heure est aussi à la récupération pour les plus grands bricoleurs et chineurs… Aujourd’hui, on réutilise par exemple des palettes pour faire des tables basses, des fauteuils, etc.
HUB-GRADE – À ton avis, comment travaillera-t-on dans 50 – 100 ans ?
Rien que dans un laps de temps plus court, comme 5 ans, on travaillera très différemment…
Beaucoup plus de tâches, missions et process, qui nécessitaient auparavant un temps humain conséquent, seront automatisées. Tout cela dans le but de gagner un temps important.
Donc dans 50 ans, j’ose penser que les automatisations auront pris encore plus d’envergure, notamment avec les bots, l’IA, etc. L’intervention d’un salarié sera optionnelle, je pense.
Pour autant peut-on dire que c’est la fin du travailleur en entreprise ? Je ne pense pas. Il faudra juste réfléchir au contenu du travail, on s’orientera donc plus vers l’expertise et la réflexion stratégique. On dira enfin au revoir aux “bullshit jobs” (agl. “métier à la c*n”), où les gens travaillent sans réfléchir ni vraiment savoir pourquoi.
Enfin, avec ce dont on vient de parler, je pense qu’on ne travaillera plus de la même manière.
Va-t-on encore raisonner en termes d’emplois ou en termes de compétences ? Se dirigera-t-on vers une utilisation plus intelligente de la technologie ? Va-t-on créer des activités utiles, innovantes et créatives ?
Seul le temps nous le dira.
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Merci à Romain de Kollori pour ses brillantes réponses !