« Le plaisir de la vie nomade est forcément lié à la philosophie qui l’accompagne. »
Nomade : se dit d’un individu ou d’un groupe dont le mode de vie comporte des déplacements continuels. (cf. Larousse)
Digital nomade : une tendance qui prend de plus en plus d’ampleur. Hub-Grade plonge dans le quotidien de l’un d’entre eux !
Décidément, Hub-Grade aime les parcours atypiques. Puisqu’il est important de comprendre l’évolution des codes en termes de travail et d’entrepreneuriat (et qu’une petite touche d’étranger ne fait pas de mal), intéressons-nous à Kévin Jourdan, digital nomade à Manille, aux Philippines.
Présentation
HUB-GRADE – Bonjour Kévin ! Merci d’avoir pris le temps de répondre à notre interview ! Pourrais-tu te présenter, nous en dire plus sur ton expérience, ton métier et ton entreprise ?
Bonjour Hub-Grade ! Je m’appelle Kévin Jourdan, et je suis digital nomade depuis 3 ans désormais.
Avant de le devenir, j’ai commencé par m’expatrier, dans le cadre d’un stage de fin d’études aux Philippines, qui a même débouché sur un emploi, en tant que responsable Affiliation. J’ai ensuite démarré mon aventure à mon compte, en tant qu’éditeur de site Internet. Puis j’ai développé mes activités dans le domaine du webmarketing, avec notamment la création et vente de sites clés en main, et le consulting sous forme de formation SEO et d’accompagnement en déploiement de campagnes de relation presse.
Puis j’ai développé mes activités dans le domaine du webmarketing, sur la vente de sites clés en main, et le consulting : formation ou l’accompagnement sur des campagnes de relation Presse avec des sites Web, et référencement.
J’aime beaucoup garder cette double casquette “éditeur de site / consultant”, car l’un ne va pas sans l’autre… Je sens qu’on ne peut pas être bon dans son activité de consulting si on ne met pas soi-même les “mains dans le cambouis”. Et cela me permet de maintenir un équilibre entre les 2 activités.
HUB-GRADE – Qu’est-ce qui t’as amené à devenir nomade ? A l’étranger qui plus est ?
En réalité, je ne l’ai pas vraiment choisi…
Mon 1er goût pour l’expatriation a été un stage de fin d’études à Manille. Puis 5 ans après, j’ai quitté le pays pour “me remettre en danger” et me challenger.
J’ai ainsi pris un aller simple pour la France, et y suis revenu en décembre 2014. En arrivant, j’ai pris une énorme claque et me suis demandé “Mais qu’est-ce que je fais là…” Le lendemain, j’ai pris un avion vers Barcelone pour rejoindre des amis… et j’ai commencé à bouger d’un endroit à un autre depuis.
Ainsi, je suis devenu nomade, parce qu’à l’époque, c’est ce qui me parlait le plus. Voyager et explorer devenait une réponse claire à ce questionnement : “si ni la France, ni les Philippines ne sont ma maison, quelle est-elle pour moi ?”. Je suis donc parti du principe que je pouvais faire de n’importe quel endroit ma maison si je le voulais.
Et comme à l’époque, j’avais déjà lancé mon activité et mes premiers sites, c’était l’occasion rêvée de profiter de cette liberté géographique.
HUB-GRADE – Où es-tu actuellement et quels pays as-tu déjà pu visiter… euh travailler ?
Je rentre tout juste de 2 séjours en Thaïlande et en Hongrie, mais je suis basé à Manille pour quelques mois. Je voyage en Asie à partir des Philippines.
Sans forcément être partisan de ce qu’on peut trouver sur Instagram, ou les articles tous faits de type “30 pays à faire avant vos 30 ans”, je dirais que j’ai fait beaucoup de pays…
Je différencie d’ailleurs les pays où je vis, où je travaille et ceux que je visite (sur des délais plus courts).
Les expériences les plus mémorables sont celles à Bali (2 mois, travail), la Nouvelle-Zélande (3 mois, vacances) et la Californie, où je me suis presque vu habiter (1 mois ½ de travail, 1 mois ½ de roadtrip…).
J’essaie de vivre la vida loca…
C’est quoi être nomade, au niveau professionnel ?
HUB-GRADE – Être digital nomade en fin de compte, est-ce plus une philosophie (indépendance, liberté, autonomie…) ou alors est-ce un défi de tous les jours (rigueur, rendus en temps et en heure…) ? Que pourrais-tu dire sur ta vie de nomade ?
Les deux, bien entendu !
Le plaisir de la vie nomade est forcément lié à la philosophie qui l’accompagne. La liberté financière, géographique est cruciale à mes yeux : tout le monde devrait pouvoir en bénéficier.
C’est donc bien une philosophie : avoir la liberté de voyager, ça ne veut pas dire voyager tout le temps. A chacun de trouver son rythme, en fonction de ses envies, choix, amis, famille etc..
Avoir sa liberté, c’est avoir le choix. Par exemple, pouvoir se déplacer et se dire, « j’ai la liberté de le faire sans que ce soit un souci d’organisation.”
Autre chose : voyager ne veut pas forcément aller au bout du monde. On peut aussi être très nomade en restant en France ou en Europe.
Mais c’est aussi un défi : trouver un équilibre en étant nomade, c’est loin d’être facile tous les jours. D’un point de vue organisationnel, financier, sentimental… Même physique avec les challenges en termes de nutrition ou d’activité sportive quand on change souvent d’endroit par exemple.
Trouver une routine, dans un style de vie qui n’a pas de routine, c’est clairement un défi.
HUB-GRADE – Qui dit différents pays, dit différentes coutumes.
Toi qui es nomade… comment arrives-tu à t’accoutumer aux différentes cultures, rythmes et philosophies de travail ?
La capacité d’adaptation, je ne sais pas si elle est innée ou si on la développe.
Je pense qu’elle est naturellement présente en chacun de nous, mais qu’elle ne s’exprime pas forcément ou qu’elle n’est pas exploitée par tout le monde de la même façon. Pour ma part, j’ai toujours été attiré par la ligne indiquant la fin de ma zone de confort. Pas dans tous les domaines, bien sûr… Mais dans la vie professionnelle, c’est le cas et donc je m’adapte vite.
Je pense que la clé réside dans le fait d’apprendre à éliminer les a priori, les clichés, les idées préconçues… Puisque tout cela ralentit la capacité s’adapter à la réalité de ce que les pays ont à offrir et enlève les différences.
Je l’ai vécu aux Philippines, où en tant qu’expatrié employé il y a quelques années, j’étais encore attaché à ce que je connaissais, c’est-à-dire un contexte français. Aujourd’hui, c’est au final très différent, car mon expérience actuelle est quasi exclusivement philippine.
Chaque voyage apporte sa pierre à l’édifice. Tout le crédit revient aux rencontres, aux voyages, aux expériences…
HUB-GRADE – On imagine aussi que ce n’est pas non plus tout rose d’être nomade, n’est-ce pas? Pourrais-tu nous raconter une de tes bévues ?
C’est certain, mais les petits “bumps” font partie de l’aventure.
Je suis parti en road trip en Nouvelle-Zélande l’année dernière, je m’étais répété plusieurs fois avant de démarrer mon aventure que si je ne me retrouvais pas au moins 3-4 fois dans des situations où je me poserai la question de savoir ce que je faisais ici, c’est que je n’aurais probablement pas poussé assez loin l’aventure 😀
Et clairement, cela m’est arrivé quelques fois de me poser cette question durant ce séjour, et dans de nombreux autres.
Que ce soit à te retrouver dans ta tente à moitié inondée au milieu d’une tempête, à être malade sans savoir exactement ce que tu as dans une province un peu paumée, ou des trucs tellement plus basiques comme réaliser au dernier moment que l’île sur laquelle tu viens de débarquer n’a absolument pas de wifi ou de 3G et que tu as planifié des appels clients…
Si ces événements n’existaient pas, la vie de nomade serait tellement moins trépidante et surprenante au quotidien 🙂
L’espace de travail idéal
HUB-GRADE – Dans quel type d’espace de travail travailles-tu le plus ? On imagine avoir la réponse… Le coworking ?
Et non, pas le coworking !
En réalité, je travaille quasiment exclusivement de chez moi. Pour une raison toute simple : j’aime démarré mes journées aussitôt que je me lève.
J’ai ma petite routine : douche, café, mails et méditation… Mais clairement, j’ai toujours détesté me retrouver dans les transports en commun le matin, par exemple.
Je ne m’impose donc jamais de faire cela et je travaille de chez moi, pour éviter le stress de la ville et les endroits bondés.
Mais j’ai déjà été en coworking, par ci, par là : Paris, Lyon, Strasbourg etc. Mon expérience la plus mémorable est à Berlin, à la BetaHaus. C’est pour moi un modèle du genre dans le coworking.
J’en reconnais du moins les bienfaits potentiels (espace qui pousse à être concentré, rencontres et networking…)… Mais je privilégie travailler de chez moi.
Après, le cohoming me parlerait bien. Il a un gros potentiel économique, car ‘tu choisis les personnes avec qui tu travailles ». Le coworking de proximité (près de chez soi…) me semble aussi intéressant.
HUB-GRADE – Quel est l’espace de travail idéal selon toi ?
Du coup, je ne pense pas être le meilleur exemple pour répondre à cette question, vu que je travaille de chez moi. Pour en revenir au coworking, un bon espace est un espace GRATUIT, où on ne paie pas pour avoir une place et Internet. Ces choses-là, je peux les avoir chez moi.
C’était ce que j’avais apprécié à la BetaHaus à Berlin : c’est un espace GRATUIT, qui mise sur la qualité du service pour se financer. En fin de compte, j’y dépensais 15-20€/jour en nourriture et café etc.
Mais le fait de ne pas payer avant même de m’asseoir m’incitait vraiment à y aller pour le lieu.
Aujourd’hui, pour être honnête, j’ai une vision critique du modèle de coworking actuel. J’ai l’impression que trop de coworking actuels sont dans le business de location d’espaces de travail et pas assez un lieu de rencontres.
On sent presque un clivage : si on reste pour la journée ou la semaine, on se retrouve dans un coin “non long terme”, et à l’écart des bureaux aménagés pour les entreprises/professionnels qui y restent longtemps.
Pour ma part, ce n’est pas ma philosophie.
Et pour le coup, quand on observe ce que font Google, Facebook et de plus en plus d’entreprises, c’est la création d’un espace de vie, de rencontres, motivant et aidant à la concentration. Il motive et incite les salariés à rester longtemps au travail. Cela pourrait être la même chose pour des freelances.
En cela, on a une meilleure idée de ce que pourrait être le coworking idéal. On y va pour une philosophie, de la même manière qu’on devient nomade pour la philosophie.
Donc l’espace de travail idéal serait pour moi un coworking proche de chez moi et répondant à cette philosophie.
HUB-GRADE – À ton avis, comment travaillera-t-on dans 50 / 100 ans ?
Idéalement et utopiquement… On travaillera plus !
On aura compris que le travail tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, pour s’enrichir, est une aberration totale. Peut-être que dans 50 à 100 ans, les gens seront plus occupés à faire ce qu’ils aiment, et qu’ils ne le considèreront plus comme un travail. Et non plus quelque chose à faire sans aimer le faire, pour pouvoir consommer et vivre.
Plus réalistiquement, je pense que tout le monde travaillera de chez soi. Ou depuis des coworking… 😉
On a assisté à une évolution du monde de travail : la durée de fidélité à une entreprise se réduit, les étudiants se rendent compte que faire une école de commerce pour réussir dans la vie est une fausse idée (pour ne pas parler d’arnaque…)
La vraie richesse se trouve dans la capacité à s’adapter, évoluer, à explorer et pourquoi pas voyager. Ceci pousse de plus en plus de gens à se lancer sur Internet par exemple : profiter de la ruée vers l’or qui y est liée et les libertés que ce mode de travail apporte.
Dans d’autres cadres, ce sont aussi des raisons simples et pratiques qui pousseront les gens à rester chez eux : le trafic, la pollution, le stress, les heures perdues dans les transports.
Quelle que soient les raisons, je ne vois pas le travail rester comme il l’est actuellement, et clairement, on va évoluer vers un modèle où les coworking de proximité (1 par immeuble ou quartier ?) auront la part belle !!
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